L'histoire de l'Église Wallonne de Leyde appartient à l'histoire des Pays-Bas et à la contribution que les Églises Wallonnes ont apportée à l'histoire des Pays-Bas depuis le XVIème siècle.
A l'origine, un pays bilingue
Au 16e siècle, les Pays-Bas regroupaient dix-sept provinces gouvernées par l'empereur Charles-Quint, puis par son fils Philippe II, roi d'Espagne. S'étendant sur une partie du Nord de la France, la Belgique et les Pays-Bas actuels, le pays était alors naturellement bilingue. Les habitants des régions septentrionales utilisaient la langue néerlandaise tandis que les populations du Sud parlaient le français. Sur le plan économique, on peut dire que, de toutes les possessions de l'empereur, cette région était la plus prospère. L'industrie était presque partout présente (draperie, dentelle, extraction de la houille) et, dans certaines contrées, l'agriculture était en avance sur celle de tous les pays d'Europe. Grâce notamment au commerce international, le pays était en contact avec des influences extérieures multiples. Tout ce contexte fait que les idées de la Réforme sous toutes ses modalités (luthéranisme, anabaptisme et calvinisme) ne pouvaient manquer de pénétrer rapidement.
Des liens étroits avec la France
Partie de Genève, la doctrine de Calvin pénétra en France pour gagner rapidement, dès les environs de 1545, les Pays-Bas méridionaux. De là, elle se propagea dans les provinces du Nord où elle s'imposa progressivement partout: Valenciennes, Tournai, Lille, Bruges, Gand, Anvers surtout, qui était à l'époque la première place de commerce de toute l'Europe. Plus tard, Middelbourg, Amsterdam, Leyde et toutes les grandes et petites villes des Pays-Bas eurent leur Église Wallonne. La répression croissante exercée par les Espagnols provoqua une révolte armée dirigée par le prince Guillaume d'Orange, dit le Taciturne. Prince sage et clairvoyant, ce dernier avait bien essayé de négocier une paix religieuse et politique pour l'entièreté du pays, mais les agissements de fanatiques protestants d'une part et l'arrivée du terrible et très catholique duc d'Albe d'autre part ruinèrent définitivement son espoir d'une pacification générale. En 1568 s'ouvrirent les hostilités contre l'occupant espagnol: La Guerre de Quatre-Vingts Ans débuta. Au lieu des grands Pays-Bas indépendants et unis, la nation fut définitivement coupée en deux pays. Le calvinisme l'emporta dans les sept Provinces Unies septentrionales, sous l'autorité du stadhouder Guillaume d'Orange; tout protestantisme fut éradiqué des dix provinces méridionales restées sous domination espagnole et catholique. Les protestants eurent quelques années pour quitter le Sud. Ceux qui restèrent devinrent catholiques: quelques groupes d'irréductibles se maintinrent dans le Borinage et près d'Audenarde.
Le Premier Refuge
Cet exil des populations wallonnes vers les provinces septentrionales fut appelé le « Premier Refuge ». Ainsi, à côté des paroisses protestantes de langue néerlandaise trouvait-on, en nombre restreint il est vrai, des communautés francophones: les Églises Wallonnes. Elles sont à la base de l'introduction et de la consolidation des idées de Jean Calvin aux Pays-Bas. La première confession de foi à l'usage des Églises Protestantes aux Pays-Bas fut écrite en 1561, d'abord en français, par Guy de Brès, le réformateur belge, disciple de Calvin. Elle s'inspire du modèle adopté par les Églises Réformées de France deux ans auparavant. En 1562, elle fut traduite en flamand. Les deux premiers synodes nationaux de 1571 et de 1578 furent bilingues, tant l'apport wallon était significatif. Ensuite, pour des raisons évidentes, on décida que les francophones se réuniraient séparément. Les communautés wallonnes aux Pays-Bas furent fondées dans le dernier quart du XVIe siècle dans la République des Sept Provinces-Unies. Middelbourg, la première, en 1574; ensuite Amsterdam en 1578, puis les autres. En 1585, la chute d'Anvers devant les troupes espagnoles fit croître dans le Nord le nombre des réfugiés. Au total, ce sont 43 Églises Wallonnes qui furent issues du Premier Refuge.
Naissance de l'Église wallonne de Leyde
L'Église réformée wallonne de Leyde a été fondée en 1584. Après la levée du siège espagnol et la délivrance de la ville en 1574, un nombre toujours croissant de réfugiés protestants des Pays-Bas du sud (Wallonie), encore dominés par les Espagnols, vinrent à Leyde.
Dans cette ville, l'université organisait déjà des cultes protestants en français depuis 1578, pour les étudiants et professeurs étrangers de l'université, mais aussi pour les autres protestants francophones qui s'installaient à Leyde.
Par l'arrivée d'un groupe de plusieurs centaines de Wallons de Bruges en 1584, la communauté francophone se voyait placée devant la nécessité de s'organiser de manière plus formelle. Elle élut un consistoire et celui-ci fut confirmé le 9 septembre 1584. L'Église wallonne de Leyde considère l'installation de ce consistoire comme le début de son histoire.
Dans son sceau, l'Église Wallonne de Leyde s'identifait à «un lys au milieu des épines» (lilium inter spinas, Cant.2:2). |
Le Second Refuge
HugenotenkruisTNkleinLorsqu'en 1685 Louis XIV révoqua l'Edit de Nantes, beaucoup de Français avaient déjà trouvé refuge aux Pays-Bas. Après cette date, leur nombre s'accrut considérablement. Une estimation prudente donne à penser que quelque 75.000 protestants français se dirigèrent vers les Pays-Bas, dont les deux tiers au moins s'y établirent définitivement. Tout naturellement donc, les huguenots cherchèrent, dès leur arrivée, à contacter les communautés francophones déjà établies dans le pays et fortement liées depuis toujours au protestantisme français. Les Églises Wallonnes offrirent aux huguenots des lieux d'accueil et de culte francophones où ils purent, en outre, retrouver des parents exilés. De son côté, le Synode wallon prit des décisions en faveur des réfugiés français: collectes et aides diverses. C'est ainsi que les Églises Wallonnes jouèrent un rôle de précurseur aux Pays-Bas en faisant preuve de cet esprit de partage et d'accueil qui allait devenir l'une des caractéristiques les plus remarquables de la nouvelle République à l'égard des réfugiés.
L'apport huguenot à l'Église Wallonne de Leyde
Pendant le 17e siècle, l'Église wallonne de Leyde croissait continuellement. Beaucoup de nouveaux membres arrivaient alors de France, où les protestants, appelés «huguenots», étaient persécutés, surtout après la Révocation de l'Edit de Nantes en 1685.
Vers 1700, l'Église wallonne de Leyde comptait environ 5000 membres. Mais à la fin du 18e siècle, leur nombre s'était réduit à 500, et ce pour deux raisons. D'une part, parce que la plupart des immigrés s'assimilait très vite au milieu néerlandais ; la deuxième génération d'une famille immigrée passait donc à l'Église réformée néerlandaise. D'autre part, parce qu' il n'y avait heureusement plus de persécutions religieuses dans les pays francophones. Ainsi, les Églises wallonnes aux Pays-Bas ne recevaient-elles plus de nouveaux membres wallons ou français comme aux siècles précédents.
Un coin de France aux Pays-Bas
Les huguenots qui avaient quitté la France après 1685 espéraient pour la plupart rentrer rapidement dans leur pays. Espoir déçu. Leurs descendants durent s'installer. Ils s'adaptèrent et s'assimilèrent peu à peu aux populations des pays d'accueil: Suisse, Allemagne, Danemark, Grande-Bretagne, Irlande, Pays-Bas, Afrique du Sud et Amérique du Nord. Les fugitifs étaient français, le refuge le fut de moins en moins. Tandis que, dans les autres Etats protestants, les réfugiés ne formèrent que des noyaux plus ou moins importants dont l'activité et l'influence furent utilisées par les autorités pour la réalisation de politiques nationales, les Pays-Bas virent se constituer sur leur sol une France huguenote. Il y avait parmi les réfugiés français des artisans, des paysans, des professeurs, des militaires, des pasteurs, etc. Il y en avait de très pauvres et de très riches. Fait remarquable, beaucoup d'entre eux trouvèrent du travail dans le monde de l'édition et de la librairie. Parmi les 230 libraires enregistrés à Amsterdam vers 1700, on en compte 100 qui étaient membres de l'Église Wallonne de la ville! Les « gazettes » de Hollande étaient souvent aux mains de huguenots. Ces nombreuses gazettes répandirent à travers l'Europe toutes les nouvelles scientifiques, politiques et culturelles. À partir du XVIIIème siècle, les huguenots se sont progressivement assimilés à la population locale et ont, pour un grand nombre d'entre eux, acquis la nationalité néerlandaise.
Aujourd'hui
De 80 qu'elles étaient autrefois, le nombre des Églises Wallonnes est réduit aujourd'hui à douze. Elles font partie de l'Église Protestante aux Pays-Bas, laquelle procède de la fusion des trois familles protestantes principales: la Nederlandse Hervormde Kerk (dont elles étaient déjà membres), les Gereformeerde Kerken in Nederland et la Lutherse Kerk. Les Églises Wallonnes actuelles sont des Églises tout à fait néerlandaises et ne dépendent pas d'instances étrangères. Leurs membres sont en majorité des Néerlandais. Elles accueillent aussi d'autres familles francophones établies provisoirement ou définitivement aux Pays-Bas, originaires par exemple de Belgique, de Suisse, de France, d'Italie, du Cameroun, de divers pays d'Afrique centrale et de Madagascar. Au cours des dernières années du vingtième siècle, la présence de nombreux réfugiés venus d'Afrique a permis, dans certaines villes, un réel renouveau. On parle à leur sujet d'un « troisième refuge ».
Les Églises Wallonnes aux Pays-Bas sont des foyers de vie et de foi. Complètement intégrées au paysage protestant néerlandais, ces petites communautés protestantes vivent leur fidélité à l'Evangile de Jésus-Christ avec une spécificité: l'usage de la langue française comme langue de culte et pour les activités paroissiales. Amis néerlandais francophones, visiteurs francophones de passage aux Pays-Bas: un espace spirituel et culturel vous est fraternellement ouvert.